Le 23 avril, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a effectué une visite éclair à Djibouti. , il s’agissait de renforcer les relations bilatérales. Egalement , ce déplacement s’inscrit dans une course diplomatique de haute voltige : celle de la succession d’Audrey Azoulay à la tête de l’UNESCO. Derrière les sourires et les communiqués convenus, c’est une véritable bataille d’influence que se livrent Le Caire, Brazzaville et Mexico.
Depuis deux ans, l’ancien ministre égyptien du Tourisme et des Antiquités, Khaled El-Enany, mène une campagne patiente et soutenue pour obtenir le poste de Directeur général de l’organisation onusienne. Il a cru un temps l’affaire presque acquise, surtout après le retrait du Gabonais Noël Nelson Messone, qui laissait le champ libre à l’Égypte sur le front africain. Mais c’était sans compter sur deux surprises de taille.
D’abord, la candidature de Gabriela Ramos pour le Mexique, qui bouscule les équilibres traditionnels en apportant un discours résolument tourné vers l’innovation et l’inclusion. Mais surtout, celle de Firmin Edouard Matoko, présentée in extremis par la République du Congo. Ce dernier n’est pas un inconnu : il est le visage de la « priorité Afrique » au sein même de l’UNESCO. Candidat de l’intérieur, il incarne une alternative africaine crédible, enracinée dans l’institution et proche des réalités du continent.
Cette annonce tardive a pris de court l’équipe de campagne égyptienne. Le Caire comptait sur un large soutien africain, notamment celui de Brazzaville. Or, ce ralliement stratégique s’est volatilisé en même temps que les ambitions du candidat congolais se formalisaient. C’est dans ce contexte que s’inscrit la visite de Sissi à Djibouti. Derrière les discussions économiques et sécuritaires, un objectif clair : sonder, convaincre, voire rallier un soutien diplomatique crucial.
Car Djibouti n’est plus un simple acteur périphérique sur l’échiquier africain. Le petit pays de la Corne est devenu un pivot, notamment depuis son élection à la présidence de la Commission de l’Union africaine. Sa voix compte. Et son influence, en particulier dans les cercles francophones subsahariens, est de plus en plus sollicitée. Le président égyptien le sait : dans cette course, les voix de l’Afrique francophone peuvent faire pencher la balance, surtout si elles se cristallisent autour d’un candidat comme Matoko.
Mais l’histoire récente incite à la prudence dans les pronostics. L’élection de Mohamoud Ali Youssouf à la tête de la Commission africaine en est la parfaite illustration. Le candidat kényan, pourtant favori selon les médias, s’est incliné face à une diplomatie djiboutienne discrète mais efficace, tissée dans les couloirs et les antichambres, loin des projecteurs.
Dans les élections multilatérales, les apparences sont souvent trompeuses. Les alliances se nouent et se dénouent en silence. Les engagements publics ne sont pas toujours suivis d’actes. Et les rapports de force évoluent jusqu’à la dernière minute. Si la candidature égyptienne demeure soutenue par plusieurs poids lourds ( France, Allemagne, Turquie, Brésil ) , elle pourrait s’effriter si l’Afrique subsaharienne décide de faire bloc autour de l’un des siens.
Au-delà du nom qui sortira des urnes à l’issue de la 222e session du Conseil exécutif de l’UNESCO en octobre prochain, c’est une autre réalité que cette élection met en lumière : celle de la recomposition du pouvoir au sein des institutions internationales. Le Sud global ne se contente plus d’y être représenté. Il aspire désormais à en diriger les leviers, à en redéfinir les priorités. Et l’Afrique, longtemps en marge, est en train de s’y tailler une place centrale.
En outre, la visite de Sissi à Djibouti n’est donc pas un simple épisode diplomatique. Elle est le signe d’un basculement, d’un rééquilibrage en cours, où les puissances traditionnelles doivent désormais composer avec de nouveaux acteurs, discrets, agiles et résolument stratèges. Comme souvent en politique internationale, les marges redessinent les centres, et les petites diplomaties savent parfois mieux tirer les ficelles que les grands discours.
Quant aux deux candidats africains ( le Congolais et l’Égyptien ) une chose est certaine : Djibouti sera courtisé par les deux camps. Il faut dire que notre histoire avec l’Égypte ne date pas d’hier. Elle plonge ses racines dans les récits du pays de Pount, lorsque les relations avec le Nil étaient aussi naturelles que les crues du fleuve. Mais en diplomatie, les liens historiques, aussi anciens soient-ils, ne pèsent jamais autant que les équilibres d’intérêt.
Enfin , on aimerait bien voir l’égyptien à la tete de l’UNESCO, après tout , c’est le pays d’Oum Kaltoum !
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