Analyse géopolitique
Ce mercredi, le président égyptien Abdel Fattah Al Sissi entamera une visite officielle à Djibouti, la seconde en moins de cinq ans, après celle, historique, du 27 mai 2021. Un déplacement qui, au-delà du protocole, révèle une lecture plus profonde de l’évolution des rapports de force en Afrique de l’Est et dans la région arabe.
Du côté djiboutien, le président Ismaïl Omar Guelleh s’était rendu au Caire en février 2022 pour une visite de 48 heures. Des échanges réguliers entre les deux chefs d’État, ponctués par les sommets de la Ligue arabe, traduisent un dialogue stratégique qui s’intensifie.
Contrairement aux dirigeants somalien et éthiopien ( voisins directs de Djibouti ) dont les fréquents passages relèvent de la proximité géographique et de l’interdépendance, la récurrence de la présence égyptienne à Djibouti relève, elle, d’une dynamique géopolitique plus large. Car si la Corne de l’Afrique est une zone de turbulences, elle est aussi devenue un espace de recomposition stratégique. Et Djibouti, par sa stabilité et sa diplomatie proactive, y joue un rôle de plus en plus central.
En moins de deux décennies, Djibouti est passé d’un carrefour logistique à un acteur diplomatique. En sa qualité de président de l’IGAD et de la Commission de l’Union africaine, la diplomatie djiboutienne s’est imposée comme une voix écoutée dans les arènes africaines et arabes. Son positionnement sur les grands dossiers régionaux (Somalie , Soudan, Gaza, Bab el-Mandeb, Est du Congo, Sud Soudan ) en témoigne. Dans chacun de ces foyers de crise, Djibouti ne se contente plus d’observer. Il agit, propose, arbitre.
La dernière initiative égyptienne sur Gaza, présentée lors du sommet extraordinaire de la Ligue arabe, a reçu le soutien immédiat de Djibouti. Un geste qui réaffirme une ligne constante : celle d’un engagement ferme et assumé en faveur de la cause palestinienne, avec un soutien humanitaire actif et un objectif intangible : un État palestinien souverain avec Jérusalem pour capitale.
La venue du président Al Sissi n’est donc ni anecdotique ni purement diplomatique. Elle s’inscrit dans une volonté partagée d’ancrer la relation djibouto-égyptienne dans la durée. L’agenda de cette visite est explicite : entretiens bilatéraux, réunions élargies aux délégations, probablement une signature d’accords dans des domaines stratégiques
Dans un contexte où les équilibres régionaux sont en pleine mutation, la Mer Rouge est devenue l’épicentre d’un jeu d’influences multiples : turques, iraniennes, émiraties, occidentales. Entre le Canal de Suez et les ports djiboutiens, la sécurité des corridors maritimes est un enjeu partagé. C’est là que l’alliance djibouto-égyptienne prend tout son sens.
En outre, la relation entre les deux pays ne repose pas uniquement sur une convergence d’intérêts. Elle s’appuie aussi sur une proximité culturelle et historique, sur une lecture stratégique commune d’une région mouvante. C’est cette continuité que traduit la visite d’Al Sissi : la transformation d’un lien cordial en un partenariat stratégique, fondé sur la confiance et la complémentarité.
En accueillant le président égyptien, le président Guelleh envoie un signal clair : Djibouti, par sa stabilité, sa constance diplomatique et son rôle de médiateur, est devenu un acteur de référence dans la région. Non plus un simple point sur la carte, mais une plateforme d’influence, au cœur des recompositions africaines, arabes et maritimes.
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