Sous les néons d’un centre de conférence feutré de la capitale économique ivoirienne, les discussions ont été tendues, techniques, parfois critiques. Mais toujours marquées d’un sentiment d’urgence. À l’occasion d’une réunion de haut niveau sur l’architecture financière mondiale, une vingtaine de ministres africains, dont Son Excellence Ilyas Moussa Dawaleh, ministre de l’Économie et des Finances chargé de l’Industrie, ont uni leurs voix pour alerter sur les failles d’un système qui les expose plus qu’il ne les protège.
Dans la salle, les prises de parole s’enchaînent. La tonalité est donnée d’emblée par Claver Gatete, Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), qui appelle à « une rupture dans notre manière de penser le financement du développement ». Quelques minutes plus tard, le ministre IMD prend la parole à son tour : « L’Afrique subit des chocs qu’elle ne crée pas. Il est temps que l’architecture financière mondiale reflète cette réalité. »
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M.Ilyas Moussa Dawaleh, MEFI |
Une économie continentale à la merci des chocs
Le tableau brossé au fil des interventions est préoccupant. En toile de fond : l’inflation importée, les taux d’intérêt prohibitifs, la chute de l’aide publique au développement et les tensions commerciales. Le continent, encore convalescent après les secousses du Covid-19, affronte désormais des menaces nouvelles, plus diffuses : fragmentation des marchés, incertitudes géopolitiques, dégradation des conditions de financement.
Selon les chiffres présentés par la CEA, les exportations africaines, notamment dans les secteurs agroalimentaire et textile, pourraient subir une contraction de près de 2 % en 2025 en raison des hausses tarifaires unilatérales de partenaires majeurs comme les États-Unis. Pour Djibouti, dont l’économie est arrimée aux échanges régionaux et à la logistique portuaire, cette tendance est lourde de conséquences.
L’un des signaux les plus alarmants vient du financement de la santé. Alors que les systèmes hospitaliers peinent à se remettre des vagues successives de la pandémie, l’aide extérieure est en chute libre. En 2025, les prévisions indiquent une baisse de 40 % de l’APD consacrée à la santé, et de 70 % pour l’ensemble de l’aide à destination de l’Afrique. « C’est une saignée », s’inquiète une représentante de l’Union africaine.
Face à ce constat, des propositions claires ont émergé : création d’un fonds continental pour la santé, taxation des produits de luxe pour financer les dépenses sociales, et surtout, intégration dans la loi des objectifs d’Abuja qui recommandent de consacrer 15 % des budgets nationaux au secteur.
Des leviers à activer : ZLECAf, DTS, fiscalité équitable
Dans ce contexte de vulnérabilité croissante, l’appel à des solutions structurelles s’est imposé. Plusieurs ministres, dont Ilyas Moussa Dawaleh, ont insisté sur l’urgence d’accélérer la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), afin de réduire la dépendance vis-à-vis des marchés extérieurs et de stimuler une industrialisation locale à forte valeur ajoutée.
Autre axe de mobilisation : la réforme des règles du jeu mondial. Le ministre djiboutien a dénoncé l’iniquité des taux d’intérêt appliqués aux emprunts africains : de 5 à 8 fois plus élevés que ceux des pays du Nord. « Il faut une agence africaine de notation crédible pour rééquilibrer cette asymétrie », a-t-il martelé, soutenu par la Banque africaine de développement.
En outre, la question des Droits de Tirage Spéciaux (DTS) du FMI a également occupé une place centrale. L’Afrique réclame une réaffectation massive de ces ressources vers les économies les plus vulnérables. Une revendication qui devrait être portée au sommet des chefs d’État de l’Union africaine prévu en juillet à Addis-Abeba.
Djibouti, un acteur stratégique dans le débat économique africain
Au-delà des mots, la présence active du ministre Ilyas Moussa Dawaleh dans ce forum traduit une volonté affirmée de positionner Djibouti comme un interlocuteur majeur dans les négociations économiques continentales. Pays charnière, hub portuaire régional, Djibouti connaît mieux que d’autres l’interdépendance entre stabilité financière et développement inclusif.
En appelant à « parler d’une seule voix dans les instances internationales comme le G20 ou le FMI », le ministre souligne l’enjeu d’un plaidoyer collectif, structuré, et orienté vers des réformes concrètes. Un message qui prend d’autant plus de force qu’il s’inscrit dans un moment charnière pour l’avenir économique du continent.
Dans l’arène financière mondiale, l’Afrique n’a plus l’intention de se contenter d’un strapontin. Et Djibouti, par sa voix, entend contribuer à redessiner les règles du jeu.
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