jeudi 12 juin 2025

Le vent se lève entre Rafah, révoltes et réalignements

 La scène se joue à la croisée des continents, entre un Maghreb en mouvement, un Machrek tétanisé et un Occident en train de revoir sa boussole morale. La « caravane des volontaires », partie du nord de l’Afrique, avance comme un symbole d’une solidarité civile transfrontalière, portée par les peuples là où les États se taisent ou tergiversent. Des milliers d’autres volontaires venus d’Europe, d’Amérique latine et d’Asie s’apprêtent à grossir les rangs de cette mobilisation inédite, preuve que la cause palestinienne n’est plus un combat régional mais un cri de l’humanité.



Pourtant, à l’approche du poste frontière de Rafah, l’espoir rencontre un mur diplomatique. L’Égypte, ce soir, a publié un communiqué aux accents ambigus, évoquant une « autorisation spéciale » pour se rendre dans la zone frontalière. Derrière les euphémismes administratifs, c’est bien un refus à peine voilé, un barrage dressé contre la solidarité populaire. L’unique point de passage entre l’Égypte et Gaza reste fermé, ou ouvert au compte-gouttes, selon des logiques d’alliance et de pressions extérieures.


Mais la société civile riposte. Les réseaux militants pro-palestiniens ont lancé une campagne de boycott ciblée : les hôtels égyptiens, surtout ceux tournés vers le tourisme international, sont devenus l’objet d’un sabotage économique symbolique. Parce que si l’État égyptien joue la carte du verrouillage, c’est sa manne touristique ( près de 12 milliards de dollars par an ) qui risque d’en faire les frais. Et si le silence coûte cher, il pourrait désormais être payé comptant.


Dans ce jeu d’équilibres précaires, les régimes arabes, eux, marchent sur un fil. L’inaction face au massacre quotidien à Gaza, diffusé en direct sur les écrans des cafés, des salons et des smartphones, pourrait se transformer en étincelle. De Rabat à Amman, de Tunis à Bagdad, l’indignation gronde. Les slogans changent, les pancartes évoluent, mais la colère reste : les peuples n’acceptent plus la neutralité complice, ni les silences imposés. Le « printemps arabe » avait ses causes ; cette fois, ce sont les images d’enfants déchiquetés sous les bombes qui pourraient faire vaciller les régimes. L’effet papillon est en marche, avertissent plusieurs analystes politiques : un raid israélien sur Gaza aujourd’hui pourrait déclencher une insurrection demain dans une banlieue arabe encore calme la veille.


Dans ce contexte tendu, c’est l’Occident qui commence à faire entendre une autre musique. Manifestations de masse, frondes universitaires, prises de position de personnalités jusque-là silencieuses… Un vent se lève, enfin, en faveur des Gazaouis. Il vient de loin, il souffle encore timidement, mais il pourrait franchir les frontières et atteindre ce Moyen-Orient figé, pétrifié par ses contradictions internes, ses dépendances géostratégiques, ses peurs d’hier.


Car au fond, ce n’est plus seulement une guerre entre Israël et le Hamas. C’est une bataille pour la conscience des peuples, un test moral pour les nations. Et ceux qui choisissent l’attentisme ou le calcul risquent de découvrir, bientôt, que les peuples ont une mémoire plus longue que les sommets diplomatiques.



À Rafah, la frontière n’est plus seulement une ligne sur une carte. Elle est devenue le miroir des choix, des lâchetés et des réveils. Le vent tourne, doucement mais sûrement. Et il souffle en direction d’un Moyen-Orient qui ne pourra pas éternellement rester sourd aux cris de Gaza.


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