S.E M Ayeid Mousseid Yahya, Ambassadeur de la République de Djibouti en France, a pris part à la cérémonie d’ouverture de l’exposition « Mission Dakar–Djibouti [1931–1933] : Contre‑enquêtes », qui se tient au Musée du Quai Branly – Jacques Chirac du 15 avril au 14 septembre 2025.
Madame Hasna Houmed Gaba du Ministère de la Jeunesse et de la Culture , avait participé à la contre-enquête en amont pour la partie djiboutienne . elle a contribué à la reconnaissance et à la contextualisation des artefacts djiboutiens, bien qu’elle n’ait pu être présente le jour de l’inauguration.
Djibouti s’inscrit pleinement dans cette contre-enquête muséale, aux côtés d’autres pays concernés par la mission historique : Sénégal, Bénin, Niger, Mali, Cameroun, Tchad, République centrafricaine, Éthiopie. Plusieurs objets patrimoniaux djiboutiens, désormais re-identifiés, ont été intégrés à l’exposition, participant à une relecture critique et partagée de l’histoire coloniale.
Cette exposition, qui se tiendra jusqu’au 14 septembre 2025, propose une relecture critique de l’une des plus vastes missions ethnographiques françaises du XXᵉ siècle, dirigée par Marcel Griaule. Entre 1931 et 1933, cette expédition traversa l’Afrique de Dakar à Djibouti, collectant plus de 3 500 objets ( aujourd’hui conservés dans les musées français ) , mais dont les conditions d’acquisition restent controversées.
L’exposition s’inscrit dans une démarche inédite de transparence et de dialogue avec les nations africaines concernées. Pour la première fois, des chercheurs et commissaires d’exposition originaires du Mali, du Bénin, de l’Éthiopie et de Djibouti ont collaboré avec le Musée du Quai Branly pour examiner les conditions réelles de collecte de ces artefacts :
- Ont-ils été achetés, volés ou extorqués sous la contrainte coloniale ?
- Quel était leur rôle sacré ou symbolique pour les populations locales ?
La République de Djibouti, terminus de l'expédition Griaule, occupe une place centrale dans cette rétrospective. Plusieurs pièces patrimoniales djiboutiennes ont été intégrées à la scénographie, témoignant de la richesse culturelle du pays. Parmi ces objets figurent un flacon traditionnel à khôl, orné de perles et de cauris, qui servait au maquillage des yeux, ainsi qu'une meule et son pilon en pierre, utilisés quotidiennement par les femmes djiboutiennes pour moudre les condiments.
L'exposition présente également un braséro en bois d'alayto, placé sous un étendoir pour parfumer les vêtements des mères et de leurs nourrissons, ainsi qu'un barki et un gorof, objets du quotidien chargés de sens. Une lettre de Mme Schilfitz et des photographies des salines de Djibouti complètent cette collection, offrant un témoignage historique précieux.
Parmi les pièces les plus symboliques, une tablette coranique (lawh) et une plume (qalam) rappellent l'importance de l'apprentissage de l'écriture arabe dans la tradition djiboutienne. Ces objets, représentatifs des savoir-faire traditionnels, soulèvent également des questions essentielles sur leur présence dans les collections muséales européennes et les conditions de leur acquisition. Leur exposition à Paris invite ainsi à une réflexion approfondie sur l'héritage colonial et les enjeux de restitution.
En marge de l'exposition s'est tenu un important colloque scientifique les 16 et 17 avril 2025, organisé en partenariat avec Sciences Po Paris. Cet événement a rassemblé d'éminents historiens, anthropologues et universitaires venus d'Afrique et d'Europe pour engager un dialogue approfondi sur plusieurs enjeux majeurs. Les discussions se sont particulièrement concentrées sur le contexte politique de la mission Griaule et son héritage controversé, mettant en lumière les conditions coloniales dans lesquelles cette expédition ethnographique a été menée. Les participants ont également examiné les revendications légitimes de restitution des biens culturels, ainsi que la nécessité d'établir une coopération culturelle plus équitable entre l'Afrique et l'Europe, fondée sur le respect mutuel et la reconnaissance des droits patrimoniaux.
À cette occasion, Son Excellence l'Ambassadeur Ayeid Mousseid Yahya a prononcé des mots marquants, saluant cette initiative comme bien plus qu'une simple rétrospective historique : "Cette exposition n'est pas seulement une rétrospective, mais un acte de justice. Djibouti s'engage pour une mémoire apaisée et un patrimoine partagé." Cette déclaration souligne l'engagement de la République de Djibouti dans ce processus de réconciliation mémorielle et de construction d'un nouveau paradigme dans les relations culturelles internationales. Le colloque a ainsi offert une plateforme essentielle pour repenser les dynamiques postcoloniales et envisager des modalités de collaboration plus justes pour l'avenir.
En effet , la participation active de Djibouti à cette exposition s'inscrit dans le mouvement plus large en faveur de la restitution des biens culturels et du renforcement des institutions muséales africaines. Cette collaboration franco-djiboutienne témoigne d'une volonté partagée de repenser les relations culturelles entre l'Afrique et l'Europe. Ensemble, les deux pays entendent déconstruire les récits coloniaux unilatéraux qui ont longtemps dominé l'interprétation des collections ethnographiques, tout en donnant une place centrale aux perspectives africaines dans la narration historique. Cette démarche commune vise également à promouvoir une muséographie plus éthique, respectueuse des droits culturels des pays d'origine.
Dans un contexte international où les questions de restitution occupent une place croissante dans le débat public, Djibouti se positionne comme un acteur engagé dans la recherche de solutions équilibrées. Plutôt que d'effacer le passé, le pays privilégie une approche constructive visant à réécrire collectivement l'histoire, en intégrant les voix de toutes les parties concernées. Ce dialogue respectueux ouvre la voie à une nouvelle ère de coopération culturelle, où la reconnaissance des torts passés s'accompagne d'un projet commun de valorisation du patrimoine africain.
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