Du Palais du Peuple à la fabrique d’un État agile, récit d’une semaine d’apprentissage stratégique où la réforme publique prend chair.
Un air de changement flottait dans les couloirs solennels du Palais du Peuple. Du 8 au 12 juin, ce haut lieu institutionnel s’est transformé en campus stratégique, accueillant une cohorte de cadres de l’administration publique djiboutienne réunis autour d’un objectif commun : penser autrement, gérer autrement, décider autrement. À l’initiative de l’Agence Nationale des Systèmes d’Information de l’État (ANSIE), deux sessions intensives ont proposé bien plus qu’une montée en compétence. Elles ont incarné une ambition : faire de la formation le moteur d’une gouvernance renouvelée.
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M.Almis Mohamed Abdillahi, SG du gouvernement |
Dans les salles de formation , les mots « performance », « leadership », « redevabilité » ne sonnaient plus comme de simples slogans. Ils s’incarnaient dans des exercices concrets, des outils méthodologiques, des échanges denses. Arbre à problèmes, matrices SWOT, diagrammes de Venn : loin de l’abstraction, ces instruments sont devenus, en cinq jours, les compagnons d’une administration en quête de sens et de cohérence.
Un moment de bascule
La transition numérique n’est plus un projet, elle est une réalité. L’intelligence artificielle, hier encore apanage des géants technologiques, bouleverse désormais les chaînes de décision publique. Dans ce contexte, l’administration djiboutienne, à l’instar de ses homologues africaines, est sommée de réinventer ses réflexes. Fini le temps des procédures figées et des décisions verticales. Place à une culture de l’agilité, de l’évaluation continue, et d’un management aligné sur les attentes du XXIe siècle.
C’est ce saut qualitatif que l’ANSIE a voulu initier. Au cœur du dispositif : trois piliers structurants ; stratégie, management, gestion contractuelle. Un triptyque pensé pour outiller les cadres, mais aussi pour ancrer des pratiques durables, résolument tournées vers l’impact.
Dès les premières heures, les fondamentaux de la Gestion du Cycle de Projet (GCP) et de l’Approche Cadre Logique (ACL) ont été posés. Loin d’un simple déballage théorique, les formateurs ont insisté sur la logique d’intervention, la construction rigoureuse des indicateurs, l’alignement des objectifs avec les réalités du terrain. Il s’agissait, in fine, de transformer chaque participant en stratège opérationnel, capable de bâtir un projet, d’en anticiper les dérives, et surtout de le défendre auprès de partenaires techniques et financiers.
Mais la réforme ne se joue pas uniquement sur les grilles d’analyse. Elle s’incarne dans les relations humaines. Les modules consacrés au leadership ont ainsi exploré les ressorts du management transformationnel : comprendre les dynamiques de groupe, déconstruire les biais cognitifs, bâtir une posture d’autorité éclairée. Dans un environnement administratif souvent verticalisé, cet apprentissage constitue une petite révolution culturelle.
Quant à la gestion des marchés publics ( trop souvent perçue comme un exercice technique ) elle a été repositionnée au cœur de la performance institutionnelle. Maîtriser les règles de passation, c’est garantir une mise en œuvre efficace des politiques publiques, mais aussi rétablir un lien de confiance entre l’État et ses partenaires.
L’un des mérites les plus significatifs de cette initiative aura été la mixité des profils. Présidence, SGG, ANSIE, ANPH, Cour des comptes, IGE, CNIPLC, ministères du Budget et de l’Éducation : tous réunis, sans hiérarchie, autour d’un même objectif d’excellence. Cette diversité a généré une fertilisation croisée rare, propice à l’émergence d’une intelligence collective. Problèmes partagés, solutions croisées, et une idée commune : la réforme n’est ni sectorielle, ni solitaire.
Dans son discours de clôture, le Secrétaire Général du Gouvernement, M. Almis Mohamed Abdillahi, n’a pas éludé les défis. Mais il a salué l’effort collectif avec justesse : « Cette session de formation a été une occasion d’apprentissage précieuse. Ces leçons seront intégrées dans notre pratique de tous les jours pour garantir une amélioration continue de notre administration. »
Demain commence aujourd’hui
Là où beaucoup d’initiatives se contentent de transmettre, l’ANSIE a misé sur la transformation. Les séances de restitution, les retours d’expérience et les feuilles de route élaborées en fin de session témoignent d’une volonté de prolonger l’impact dans la durée. Il ne s’agissait pas d’enseigner, mais de convertir. Non de transmettre, mais d’enraciner.
Car si la compétence peut être acquise, elle ne devient ressource que lorsqu’elle s’inscrit dans un système ; structurel, collectif, durable.
Il ne s’agit pas d’une « réforme de l’administration » en grande pompe. Pas de décret, pas de remaniement. Mais une réforme en actes, lente, structurante, presque silencieuse. Un changement de logiciel plus qu’un changement de visages. Une réforme par la base, menée non contre les cadres, mais avec eux.
Et c’est peut-être là sa plus grande force : faire de la montée en compétence un acte politique, de la formation un levier de transformation, et de l’apprentissage un outil de gouvernance.
Au sortir de cette semaine dense, une certitude se dessine : l’administration djiboutienne se donne les moyens de son ambition. Elle comprend que la qualité de la dépense publique, la fluidité des processus et l’efficience de l’action ne sont pas des accidents heureux, mais les fruits d’une méthode, d’une vision, d’un engagement.
Ce que l’ANSIE a enclenché, ce que les participants ont porté, ce que les institutions doivent désormais prolonger, c’est une dynamique de réforme permanente, exigeante, mais porteuse d’un véritable changement de paradigme.
Face aux défis du siècle ( du numérique à la gouvernance éthique, de la performance à la transparence ), la réponse commence ici, dans une salle de formation, entre collègues devenus acteurs du changement.
Et si la réforme, finalement, commençait par une chaise, un tableau blanc, et une conviction partagée : celle que l’on peut faire mieux ?
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