mercredi 4 décembre 2024

DJIBOUTI /CHINE : UN PARTENARIAT STRATÉGIQUE EN PLEINE EXPANSION

 Renforcement de la coopération diplomatique entre le RPP et le PCC


Dans le cadre de l’amitié et du partenariat stratégique entre Djibouti et la Chine, une délégation de haut niveau conduite par Son Excellence Monsieur Zhang Qingwei, Vice-président du Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale (APN) de la République populaire de Chine, a effectué une visite officielle à l’Assemblée nationale de Djibouti ce mardi 3 décembre 2024.



Accueillie avec un protocole empreint de chaleur et de respect, la délégation chinoise a été reçue par le Président de l’Assemblée nationale, Son Excellence Monsieur Dileita Mohamed Dileita, accompagné des membres du bureau parlementaire, parmi lesquels la Vice-présidente Hon. Safia Elmi Djibril, le 2ᵉ Vice-président Hon. Omar Ahmed Wais, le Questeur Hon. Ibrahim Ahmed Abdo, ainsi que le Secrétaire du bureau Hon. Saleban Daher Bileh.


Cette rencontre, qui s’inscrit dans le cadre du renforcement des liens diplomatiques entre les deux nations, reflète une volonté mutuelle de renforcer la collaboration parlementaire entre le Rassemblement Populaire pour le Progrès (RPP) et le Parti Communiste Chinois (PCC). L’échange s’est focalisé sur les domaines d’intérêt commun, notamment le développement législatif, les infrastructures, et la promotion d’un dialogue politique plus étroit entre les deux pays.



L’Ambassadeur de Chine à Djibouti, Son Excellence Monsieur Hu Bin, a également pris part aux discussions, soulignant l’importance stratégique de Djibouti dans le cadre de l’initiative chinoise des Nouvelles Routes de la Soie. Cette initiative, qui vise à stimuler le commerce mondial, bénéficie d’un soutien accru de Djibouti, plateforme géopolitique clé dans la Corne de l’Afrique.


Le Président de l’Assemblée nationale, Dileita Mohamed Dileita, a réaffirmé l’engagement de Djibouti à approfondir cette coopération. “Nos relations avec la Chine sont le fruit d’une amitié durable et d’une vision commune pour le développement de nos peuples,” a-t-il déclaré, en mettant en avant les réussites conjointes, notamment dans les secteurs portuaire et énergétique.



De son côté, Zhang Qingwei a souligné l’attachement de la Chine à un partenariat basé sur le respect mutuel et le développement partagé. “La Chine est prête à accompagner Djibouti dans ses ambitions de croissance, tout en favorisant une coopération parlementaire exemplaire,” a-t-il ajouté.


En effet, cette visite s’inscrit dans une dynamique de rapprochement durable entre le RPP et le PCC, renforçant ainsi une coopération bilatérale qui ne cesse de se diversifier. Avec des projets conjoints déjà en cours et une volonté commune de multiplier les initiatives, le partenariat Djibouti-Chine se positionne comme un modèle de collaboration Sud-Sud dans un monde en mutation.



À travers ce dialogue fructueux, les deux nations réaffirment leur détermination à bâtir un avenir commun, marqué par la paix, le progrès, et la prospérité partagée.

mardi 3 décembre 2024

Djibouti-Japon : Signature du contrat pour la construction du pont de la Palmeraie

 Une cérémonie officielle s’est tenue ce mardi à Tokyo, marquant une étape clé dans le partenariat entre Djibouti et le Japon. Sous la présidence de l’Ambassadeur de Djibouti au Japon, S.E. Monsieur Ibrahim Bileh Doualeh, le Directeur Général de l’Agence Djiboutienne des Routes (ADR), Monsieur Soubaneh Said Ismael, a signé le contrat pour la construction du pont de la Palmeraie.



Le projet, d’un coût estimé à 3,98 milliards de yens (équivalent à environ 4,73 milliards de francs Djiboutiens), sera entièrement financé par la coopération financière non-remboursable du Japon. Ce soutien s’inscrit dans le cadre des efforts visant à améliorer la résilience des infrastructures routières de Djibouti, tout en renforçant la logistique et le développement économique du pays.


Les travaux, confiés à la société japonaise FUJITA Daiwa House Corporation, débuteront dès janvier 2025. Ce pont stratégique promet de faciliter les échanges et d’accroître la connectivité au sein du pays, contribuant ainsi à son essor économique et social.


Lors de son discours, l’Ambassadeur Ibrahim Bileh Doualeh a exprimé la gratitude profonde du Gouvernement et du peuple Djiboutiens envers le Japon. « Le soutien constant et généreux du Gouvernement et du peuple japonais envers Djibouti témoigne de la solidité de nos relations bilatérales. Ce projet de pont incarne une fois de plus cette coopération fructueuse, tournée vers un avenir partagé », a-t-il déclaré.



La cérémonie s’est déroulée en présence des représentants de l’Agence Japonaise de Coopération Internationale (JICA), du Directeur des Études de l’ADR, Monsieur Salah Ibrahim Osman, ainsi que des conseillers de l’Ambassade de Djibouti à Tokyo.

Ainsi, le pont de la Palmeraie représente un jalon symbolique et pratique dans les relations entre Djibouti et le Japon, rappelant l’importance de la collaboration internationale pour relever les défis des infrastructures modernes.



Enfin , le projet de construction du pont de la Palmeraie aura des retombées significatives pour Djibouti, tant sur le plan économique que social. En améliorant la connectivité des infrastructures routières, ce pont facilitera les échanges commerciaux et le transport des marchandises, renforçant ainsi le rôle stratégique de Djibouti en tant que hub logistique régional. Sur le plan social, il contribuera à réduire les distances et à désenclaver certaines zones, offrant un meilleur accès aux services essentiels tels que l’éducation et la santé. De plus, la modernisation des infrastructures augmentera la résilience face aux défis climatiques, tout en favorisant la création d’emplois locaux durant la phase de construction et au-delà. Ce projet illustre un modèle de coopération internationale capable de soutenir durablement le développement national.

dimanche 1 décembre 2024

Atelier national sur la réduction des risques et des catastrophes : une nouvelle stratégie en marche

 Le Sheraton Hôtel a accueilli un atelier de deux jours consacré à la présentation de la nouvelle Stratégie nationale pour la réduction des risques et des catastrophes. Organisé par le Secrétariat Exécutif de la Gestion des Risques et des Catastrophes, sous l’égide du Ministère de l’Intérieur, cet événement a bénéficié du soutien du Bureau des Nations Unies pour la Réduction des Risques et des Catastrophes pour les pays arabes. Cette initiative marque une étape cruciale dans la révision et l’adoption d’une stratégie visant à renforcer la résilience nationale face aux catastrophes climatiques et naturelles.



Dans son discours d’ouverture, Ahmed Mohamed Madar, Secrétaire Exécutif de la Gestion des Risques et des Catastrophes, a salué la participation des institutions et partenaires présents. « L’objectif principal de cet atelier est de définir un plan d’action concret et intégré, en réponse aux défis croissants liés aux catastrophes et aux changements climatiques », a-t-il déclaré, insistant sur l’importance d’une approche coordonnée.


Souleiman Moumin Robleh, Secrétaire Général du Ministère de l’Intérieur et Président du Comité Technique Intersectoriel, a officiellement inauguré l’atelier. Dans une allocution empreinte de conviction, il a affirmé : « Cette stratégie constitue une occasion unique d’apprendre des expériences passées et d’adopter une approche ambitieuse, inclusive et proactive. » Il a également exprimé sa gratitude envers les efforts remarquables du Secrétariat Exécutif et de son équipe, mettant en avant l’importance d’une collaboration intersectorielle pour une gestion des risques plus efficace.



Le rôle des Nations Unies a été mis en lumière par José Barbona, Coordinateur Résident des Nations Unies, qui a félicité le gouvernement pour son engagement à renforcer la résilience nationale. Madame Nora Achkar, Responsable du Bureau régional des Nations Unies pour la Réduction des Risques et des Catastrophes, a également apporté son soutien depuis Le Caire, affirmant que son agence continuerait d’appuyer les efforts pour faire de la réduction des risques une priorité nationale.


L’atelier a réuni des représentants de divers secteurs : institutions nationales, agences onusiennes, partenaires techniques et financiers. Ces échanges multisectoriels ont permis de poser les bases d’un plan d’action opérationnel aligné sur la nouvelle stratégie, avec un accent particulier sur la coopération et l’inclusivité.



Cet événement marque le lancement d’un processus ambitieux visant à transformer les objectifs stratégiques en initiatives concrètes, avec pour objectif final de bâtir une société résiliente face aux catastrophes. L’engagement conjoint du gouvernement et de ses partenaires internationaux illustre une volonté ferme de protéger les populations et de promouvoir un développement durable dans un contexte de risques croissants.


Cette nouvelle stratégie représente un espoir concret pour une gestion des risques proactive et solidaire, au service d’une nation mieux préparée aux défis climatiques de demain.

vendredi 29 novembre 2024

Djibouti en marche pour des valeurs transparentes

 Éditorial

Sous le soleil matinal d’Arta, une foule bigarrée s’est élancée sur les sentiers escarpés de la 18ᵉ édition de la randonnée pédestre Africa Walk Peace. Ce rendez-vous annuel, désormais gravé dans le calendrier national, s’est cette année attaché à un thème aussi ambitieux qu’urgent : « Luttons contre la corruption ». Loin d’être un simple événement sportif, cette marche incarne une dynamique sociale et politique qui illustre le lien croissant entre le sport et les grands défis du développement.



Le décor, planté dans la région d’Arta, est révélateur. C’est ici, sur cette terre symbole de sérénité et d’harmonie, que des citoyens de tous horizons ont répondu à l’appel, vêtus de blanc, dans une démonstration collective d’engagement pour une société plus transparente. Aux côtés des habitants, des figures de l’État : S.E. Hassan Mohamed Kamil, Secrétaire d’État chargé des Sports, Mme Badria Zakaria Cheik Ibrahim, présidente de la CNIPLC, ou encore des ministres  comme S.E. Saïd Nouh et S.E. Mohamed Warsama. Leur présence conjointe transcende le protocole, affirmant une volonté politique de faire de la lutte contre la corruption une cause transversale.


Mais au-delà des slogans et des discours officiels, ce qui frappe dans cette initiative, c’est sa portée pédagogique. La corruption, souvent perçue comme une fatalité immuable, trouve ici un adversaire inattendu : la mobilisation populaire. À travers cette randonnée, Djibouti prouve que sensibiliser ne se limite pas à de longues conférences ou à des campagnes médiatiques aseptisées. Une marche peut, elle aussi, être un acte politique. Dans la simplicité de ce geste collectif, un message puissant s’esquisse : le changement commence par le mouvement.



Les 15 kilomètres de sentiers parcourus par les plus aguerris et les 5 kilomètres réservés aux novices témoignent de l’effort partagé, mais aussi de l’inclusivité recherchée. Chacun, quel que soit son niveau, peut contribuer à cette cause commune. Ce principe d’inclusion résonne avec l’objectif même de la lutte contre la corruption : rendre les institutions accessibles, transparentes et équitables pour tous.


L’initiative prend une dimension supplémentaire dans un contexte où les enjeux de gouvernance sont de plus en plus scrutés. La corruption, ce fléau qui gangrène les économies et sape la confiance des citoyens, ne peut être combattue sans un engagement collectif. La randonnée d’Arta s’impose alors comme un modèle : un espace de rencontre où la société civile, les acteurs publics et les institutions internationales marchent, littéralement, dans la même direction.


Par ailleurs, les retombées potentielles de la randonnée Africa Walk Peace s’étendent bien au-delà de l’aspect sportif. Sur le plan social, l’événement favorise une prise de conscience collective autour des méfaits de la corruption, en ancrant cette problématique dans un cadre inclusif et accessible à tous. Sur le plan institutionnel, il renforce la crédibilité des initiatives publiques en matière de gouvernance et de transparence, tout en favorisant une synergie entre les différents acteurs : citoyens, décideurs politiques et partenaires internationaux. Enfin, sur le plan économique, la randonnée contribue à dynamiser la région d’Arta en attirant des participants venus de tout le pays et au-delà, stimulant ainsi le tourisme local et le développement des infrastructures. En combinant sport, sensibilisation et mobilisation, cet événement se positionne comme un modèle reproductible pour des campagnes de plaidoyer efficaces et rassembleuses.



Le Secrétaire d’État chargé des Sports S/E Hassan Mohamed Kamil , en déclarant sa « grande satisfaction », a souligné un point essentiel : l’espoir. Cette randonnée est bien plus qu’un événement ponctuel ; elle est le reflet d’un pays qui, à travers le sport, cherche à réinventer son rapport aux valeurs. Et en honorant les grands marcheurs des éditions passées, Djibouti ancre son initiative dans le temps, valorisant la mémoire collective et la transmission.



Alors, que retenir de cette matinée sous le ciel bleu d’Arta ? Que marcher, ensemble, peut être un acte de résistance. Que le sport, souvent cantonné au loisir, peut devenir un outil de transformation sociale. Et surtout, que Djibouti, dans cette quête d’intégrité, offre au continent un exemple inspirant. L’Afrique ne manque pas de défis, mais elle regorge aussi d’idées. L’Africa Walk Peace, avec sa simplicité désarmante et sa portée symbolique, en est une éclatante démonstration.

Célébration des 50 ans de l’écriture de la langue afar

 Le 1er décembre 2024, Djibouti marquera un événement historique : le cinquantenaire de l’écriture de la langue afar. Ce jalon célèbre la codification et l’officialisation de l’alphabet afar, un moment clé dans l’histoire linguistique et culturelle de ce peuple nomade, réparti entre Djibouti, l’Éthiopie et l’Érythrée.



Avant 1974, la langue afar, transmise essentiellement par voie orale, manquait d’un système d’écriture unifié. Bien qu’elle soit une langue riche en poésie, chants et traditions orales, l’absence d’un alphabet standard entravait sa préservation et son développement. C’est sous l’impulsion de linguistes afar et d’intellectuels locaux qu’un effort collectif a permis la création d’un alphabet adapté, basé sur les caractères latins, facilitant ainsi son apprentissage et son utilisation. La célèbre association UDC avait été l’un des initiateurs de ce projet qui avait vu le jour en 1974 . 


Cet effort s’inscrivait dans une volonté plus large d’émancipation culturelle et politique des peuples afar. Avec l’écriture, la langue afar a pu être utilisée dans les écoles, les médias et les publications officielles, renforçant l’identité culturelle et la transmission intergénérationnelle.


La langue afar joue un rôle central dans la préservation des traditions et des connaissances ancestrales. Cependant, elle reste confrontée à des défis : la mondialisation, l’urbanisation et la domination des langues officielles comme le français, l’arabe et l’amharique menacent son usage quotidien.


Depuis les années 2000, des initiatives ont vu le jour pour revitaliser la langue afar, notamment à travers des programmes éducatifs, des publications littéraires et l’intégration de la langue dans les nouvelles technologies. Les jeunes générations, de plus en plus sensibilisées à l’importance de leur héritage linguistique, jouent un rôle clé dans cet effort.


À Djibouti, les festivités prévues pour le 1er décembre comprendront des conférences, des expositions, des représentations artistiques et des discussions sur l’avenir de la langue afar. Des intellectuels, des artistes et des leaders communautaires y participeront pour rendre hommage à ce demi-siècle d’écriture et souligner l’importance de préserver et de promouvoir cette langue dans un monde en constante évolution.


La célébration des 50 ans de l’écriture afar n’est pas seulement un regard sur le passé, mais aussi un engagement pour l’avenir. À travers cette langue, les Afars continuent d’affirmer leur place dans le paysage culturel et linguistique de la Corne de l’Afrique, tout en rappelant au monde l’importance de la diversité linguistique comme richesse universelle.


Cet anniversaire est donc un appel à l’action : investir davantage dans l’éducation en langue afar, soutenir les initiatives culturelles et renforcer les outils technologiques pour garantir que cette langue ancestrale reste vivante et vibrante pour les générations futures.

Le Djiboutien Ismaïl Omar Guelleh, médiateur en chef dans la Corne de l’Afrique

 Guerre au Soudan, tensions en Éthiopie, différends entre Somalie et Somaliland, attaques houthistes depuis le Yémen… Le chef de l’État djiboutien tente d’apaiser les crises qui menacent l’est du continent. Même si, pour 2024, son plus beau succès porte sur la reconduction de l’accord de défense avec la France. Avant l’élection, peut-être, en février 2025, de son chef de la diplomatie à la tête de la Commission de l’UA.


Force est de constater que, en presque un demi-siècle d’existence, Djibouti a réussi à se forger une place sur les scènes diplomatiques régionales et internationales, sans commune mesure avec sa superficie ou le poids de sa population. Cette « diplomatie de géant d’un petit État » – pour reprendre le titre de l’ouvrage consacré au sujet en 2020 par l’universitaire française Sonia Le Gouriellec – s’est à nouveau confirmée ces derniers mois, à mesure que Djibouti s’impliquait dans le conflit au Soudan, dans les différends qui opposent depuis toujours l’Éthiopie à la Somalie, ainsi que dans les différends entre la Somalie et les sécessionnistes somalilandais. À chaque fois, aux avant-postes des négociations, le président Ismaïl Omar Guelleh (IOG) en personne.

Sans échéance électorale significative dans son pays avant la prochaine présidentielle (prévue en 2026), à bientôt 77 ans, le chef de l’État peut donc s’appuyer sur son image de sage pour donner toute sa mesure à l’international. Il dispose également du mandat pour cela, puisque, depuis juin 2023, il assure la présidence tournante de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad), basée à Djibouti, qui compte aussi parmi ses membres l’Éthiopie, le Kenya, la Somalie, l’Ouganda, l’Érythrée (depuis 2023), le Soudan du Sud et le Soudan, qui a suspendu son adhésion début janvier 2024. Et il faut reconnaître que, depuis qu’IOG en a pris la tête, l’organisation sous-régionale fait montre d’une activité quasiment inédite depuis sa création, en 1986.



 Une Corne de l’Afrique sous très haute tension


Îlot de stabilité au cœur d’une région sous très haute tension, Djibouti a accueilli au cours des dernières années de nombreux pourparlers de paix, placés sous l’égide d’un président Guelleh qui, après bientôt vingt-cinq ans au pouvoir, a su tisser des liens de confiance et de proximité avec la plupart des chefs d’État voisins, exception faite de l’Érythréen Issayas Afewerki.

Les résultats diplomatiques enregistrés par les différents acteurs sont pourtant, au mieux, mitigés. C’est le cas concernant le Soudan où, après dix-huit mois de combats, aucune solution politique ne semble émerger. Inquiet des risques de contagion dans la région, IOG a cependant donné de sa personne, dès les premiers jours de la guerre civile, pour tenter d’imposer une médiation de l’Igad aux deux protagonistes, mais sans succès. Si Abdel Fattah al-Burhane, le président de la transition, s’est bien rendu à Djibouti pour discuter d’une telle éventualité, son rival, Mohamed Hamdan Dogolo, dit Hemetti, s’y est jusqu’à présent toujours refusé. Et alors que ce conflit devient le plus meurtrier d’Afrique à l’heure actuelle, son éventuel règlement pourrait bien échapper au continent.

Investi de longue date dans les crises à répétition qui divisent la Somalie voisine, IOG a bien cru toucher au but en réunissant autour de lui, le 29 décembre 2023, le président somalien, Hassan Cheikh Mohamoud, et celui de la République autoproclamée du Somaliland, Muse Bihi Abdi. Alors que les deux hommes venaient de s’accorder à Djibouti pour relancer des pourparlers qui étaient au point mort depuis 2020, le leader somalilandais surprenait tout le monde en s’envolant directement pour Addis-Abeba et, moins de quarante-huit heures plus tard, signait avec le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, un protocole d’accord (MoU) qui, depuis, a sérieusement ravivé les tensions à travers la Corne de l’Afrique et au-delà.

Les détails n’ont toujours pas été rendus publics, mais l’Éthiopie obtiendrait la concession pour cinquante ans d’une bande de littoral de 12 miles, arrachant ainsi l’accès maritime qu’elle réclame depuis des mois, contre la reconnaissance formelle du Somaliland. Un deal inacceptable pour le président somalien, qui a qualifié cet accord d’« acte d’agression » de la part de l’Éthiopie, accusée de vouloir rallumer les braises enfouies depuis cinquante ans sous les sables de l’Ogaden. À Djibouti, si un communiqué faisait part « de la grande préoccupation » de la présidence, le ton était tout autre en coulisse : « IOG est furieux », nous confiait alors un diplomate.

 *Addis-Abeba, premier partenaire* 

Le président Guelleh a pourtant rapidement repris la main sur ce dossier ô combien incandescent. Pendant que Mogadiscio faisait encore grimper la pression d’un cran en recevant sur son sol des troupes égyptiennes fin août, Djibouti cherchait de son côté à apaiser la situation en proposant aux Éthiopiens, début septembre, la cogestion de son port de Tadjourah, situé dans le nord du pays. Là encore, les modalités restent à définir et si la « proposition est sincère », ainsi que l’assure la présidence djiboutienne, celle-ci attendait toujours une première réaction des Éthiopiens à la mi-novembre.

L’objectif est double pour Djibouti, qui espère ainsi renforcer ses liens avec son principal partenaire commercial et économique, tout en portant un coup sévère aux ambitions affichées ces derniers mois par le port somalilandais de Berbera de menacer à terme ses propres intérêts maritimes.  L’autorité portuaire de Djibouti n’a de toute façon pas attendu l’initiative du président Guelleh pour enterrer, définitivement semble-t-il, une éventuelle concurrence de son voisin.


Désireux de ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier, tout en répondant aux provocations d’Abiy Ahmed qui accusent leurs ports de tous les maux économiques de son pays, les responsables djiboutiens n’ont eu de cesse ces dernières années, de réorienter les activités de leurs terminaux. Si, depuis 1993 et l’indépendance érythréenne, les ports djiboutiens traitent chaque année près de 80 % des flux de marchandises éthiopiens, ils ont entamé depuis la pandémie leur mue, pour devenir aujourd’hui le principal terminal de transbordement de la sous-région.

En 2024, les volumes transbordés ont représenté 50 % des trafics conteneurisés traités par le port de Doraleh, contre moins de 30 % dans un passé récent, alors que durant les douze derniers mois le nombre d’équivalents-vingt-pieds (EVP) a augmenté de 35 % pour dépasser le million de boîtes manutentionnées. « Djibouti fait en un mois et demi le trafic annuel de Berbera », résume Aboubaker Omar Hadi, le patron tout-puissant des ports djiboutiens.

Djibouti a également profité des fortes perturbations du trafic maritime en mer Rouge, provoquées depuis un an par les attaques des rebelles houthistes du Yémen, pour s’imposer comme une escale portuaire incontournable dans le détroit de Bab-el-Mandeb. Le port n’a eu de cesse de compléter et d’améliorer ses services aux navires, tout en investissant lourdement dans du matériel de manutention flambant neuf et dimensionné pour traiter les géants des mers de dernière génération. « Aucun navire ne doit rester plus de douze heures à quai », insiste encore le président de l’autorité portuaire.


Dans le même temps, le pays a aussi tiré parti de cette crise et de sa géographie pour renforcer son rôle militaire dans la région. Les États-Unis n’ont peut-être pas été autorisés à faire décoller depuis leur base djiboutienne les avions et les drones utilisés dans le cadre de l’opération Gardien de la prospérité, mais, depuis février 2024, l’Union européenne peut positionner ses bâtiments de guerre affectés à l’opération Aspides, l’opération d’escorte aux navires marchands, dans les bassins du vieux port.

 

Entre Paris et Djibouti, un nouvel accord de défense… Et un loyer revu à la hausse


Si les fruits de son implication dans la résolution des différents conflits régionaux continuent de se faire attendre, la diplomatie djiboutienne a enregistré un beau succès cette année, en réussissant à trouver un nouvel accord de défense avec la France. Les tractations ont duré plus de deux ans et ont nécessité plusieurs allers et retours entre Paris et Djibouti, mais les deux côtés semblent avoir obtenu ce qu’ils cherchaient, à savoir pour l’un, un point d’appui aérien et maritime sur l’Afrique, le Moyen-Orient et l’océan Indien, pour l’autre, une garantie de sa propre sécurité.

Mais pas à n’importe quel prix pour les Djiboutiens qui, de l’avis même de certains collaborateurs du président Guelleh, ne voulaient pas « subventionner la présence française ». En jeu : le montant du loyer payé chaque année par la France pour disposer de sa base, que Djibouti voulait absolument revoir à la hausse. Mission accomplie puisque, selon plusieurs sources concordantes, le montant du loyer pourrait atteindre près de 85 millions d’euros, contre une trentaine de millions auparavant. Signé à la fin de juillet par Emmanuel Macron et Ismaïl Omar Guelleh, à Paris, en marge de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, l’accord doit encore être ratifié par les parlements des deux pays avant sa mise en œuvre.

Enfin, comme un symbole de l’activisme djiboutien en matière de diplomatie, son chef, Mahamoud Ali Youssouf, postule la présidence de la Commission de l’Union africaine pour succéder au Tchadien Moussa Faki Mahamat, avec de bonnes chances de l’emporter. « C’est un cadeau que Djibouti ferait à l’Afrique », estime l’un de ses collègues du gouvernement. Réponse lors du 38 sommet de l’organisation panafricaine, à Addis-Abeba, en février 2025.


 Source : Olivier Caslin - Envoyé spécial à Djibouti_

Publié le 27 novembre 2024

 Jeune Afrique 

jeudi 28 novembre 2024

Djibouti, carrefour des idées et bastion de l’intégration régionale

 Éditorial

Dans un monde fracturé, en quête de repères et de solutions durables, Djibouti s’impose comme un phare d’espérance et de dialogue. Le dîner officiel offert par le Président de la République, Son Excellence Ismaïl Omar Guelleh, en l’honneur des participants au 8ᵉ Forum de l’Institut « Heritage », témoigne une fois encore du rôle stratégique de ce havre de paix de la Corne de l’Afrique. Djibouti, à l’intersection des continents et des civilisations, ne se contente pas de porter son poids géographique ; il s’érige en pilier moral et intellectuel d’une région en quête de stabilité et de progrès.



L’Institut « Heritage », avec son ambition de panser les plaies de la Somalie et d’imaginer un avenir viable pour cette nation sœur, trouve à Djibouti un terreau fertile. Depuis sa création, cet espace de réflexion se nourrit d’une méthode rigoureuse, combinant expertise locale et ouverture internationale. Mais pourquoi Djibouti ? Pourquoi cet attachement si constant à offrir le cadre, les ressources et l’hospitalité à un think tank qui travaille, avant tout, à la reconstruction somalienne ?


En effet, la réponse tient dans l’ADN diplomatique de la République de Djibouti. Dès les premières années de son indépendance, ce pays a adopté une posture de médiateur régional, transcendant ses dimensions modestes pour bâtir des ponts entre ses voisins. Le Président Guelleh, avec une habileté qui force le respect, a maintenu cette tradition en soutenant toutes les initiatives axées sur la paix, l’intégration et le développement. Accueillir l’Institut « Heritage » ne relève donc pas du hasard, mais d’une vision : celle du leadership d’un chef d’Etat et d’une Nation acteur incontournable des dynamiques régionales.



Le thème choisi pour cette 8ᵉ édition, « Promouvoir la stabilité régionale : l’importance de la coopération fondée sur des règles, du commerce et de la paix », cristallise les défis urgents de la Corne de l’Afrique. À l’heure où le commerce et l’intégration économique s’imposent comme leviers essentiels de transformation, la sécurité et la gouvernance demeurent des préalables indissociables. Les débats du forum, riches et multidimensionnels, ont rappelé combien les solutions aux maux de la région nécessitent une approche collective, transcendant les frontières et les clivages.


La République Djibouti, en tant qu’hôte, a réaffirmé sa vocation : celle d’être un espace de convergence où politiques, intellectuels, figures coutumières, et société civile peuvent dialoguer. Plus qu’un lieu, Djibouti est une idée, un symbole. Dans cette région souvent tourmentée par l’instabilité et les luttes fratricides, il incarne la persévérance et l’ambition d’un avenir commun.



Le président Guelleh, dans son hommage aux artisans de l’Institut « Heritage », a rendu une vérité simple mais puissante : c’est la foi des hommes et des femmes dans leur capacité à bâtir qui fera la différence. Ce courage « effréné », cette quête « inébranlable » pour imaginer une Somalie prospère, reflète les valeurs mêmes que Djibouti promeut depuis des décennies. En s’érigeant en partenaire fidèle et indéfectible de cet effort collectif, Djibouti ne se contente pas de jouer son rôle. Il écrit, page après page, l’histoire d’une région qui, contre vents et marées, refuse de céder au fatalisme.



Enfin, l’institut « Heritage » a, certes, encore un long chemin à parcourir. Mais en offrant à Djibouti son cadre, sa méthode et son engagement, il participe d’un mouvement plus large. Celui de la Corne de l’Afrique qui se réinvente, en prenant appui sur ses racines pour dessiner un horizon nouveau. Et dans cette odyssée, Djibouti demeurera, comme toujours, le port d’attache des rêves collectifs.

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