lundi 19 août 2024

Chronique djiboutienne :

 

Réflexion sur l’évolution du débat public

Dans cette chronique, je rends hommage à tous ces amis qui ont quitté Facebook ou ont simplement cessé de s'exprimer à cause du climat ambiant et de bien d'autres facteurs. En le faisant, je me pose la question : les réseaux sociaux sont-ils vraiment le reflet de la société ? Bien que certains le prétendent, je nourris des doutes, notamment face à certains comportements observés en ligne. Néanmoins, concentrons-nous sur un exemple précis : l'évolution de Facebook à Djibouti depuis 2010.



Entre 2010 et 2016, les réflexions des utilisateurs djiboutiens, tant locaux que de la diaspora, suscitaient de longs débats dans les commentaires, des échanges sains et pertinents en lien avec le sujet abordé. C'était une période où les idées circulaient librement, où le raisonnement était au cœur des discussions. Cependant, depuis 2016, avec la démocratisation des smartphones, l'amélioration de la connexion internet, et d'autres facteurs, les échanges sont devenus de plus en plus difficiles. On ne débat plus des idées, on attaque celui qui les exprime. Le repli identitaire, alimenté par certains activistes en mal d'arguments, soutenus par des réseaux financés par des politiciens opportunistes, a pris le dessus.


Si l'on se fie aux réseaux sociaux, il semble que notre société se dégrade, et la culture du débat en souffre gravement. Dans un contexte où la masse devient de plus en plus manipulable, la capacité d'une société à échanger librement et sans préjugés est en danger. Le recul et l’esprit critique ne sont pas à la portée de tous. Ici, c’est la défaillance des médias, qui n’ont pas su jouer leur rôle d’éducateurs de la société. Mais ils ne sont pas les seuls responsables. Les intellectuels ont également leur part de responsabilité.


Une société incapable de débattre sans recourir à des attaques personnelles, ou qui juge toute opinion à travers le prisme de l'appartenance ethnique ou clanique, est une société vouée à la faillite intellectuelle, expression chère à Ali Moussa Iye.


Certains, par commodité, attribuent cet état de fait au régime en place, affirmant que le parti au pouvoir, le RPP, aurait sciemment entretenu cette division pour des raisons politiques, sans jamais apporter de preuves. Le RPP n’est que le bouc émissaire. Mais c'est une erreur. Une société divisée ne sert les intérêts de personne, et ce ne sont ni les opposants ni la société civile qui me contrediront. Nous nous accuserons mutuellement, car nous manquons de courage pour affronter la réalité et sauver notre société des influences internes et externes qui la menacent.


Revenons à ces amis qui ont quitté les réseaux sociaux. Ils ont préféré se retirer plutôt que de se faire insulter par des individus qui, faute d'arguments, jugent, insultent, calomnient ou diffament ceux qui tentent d’apporter des réflexions à une communauté qui peine à échanger sérieusement, civiquement et citoyennement. À ce rythme, même l'humour ne nous réunit plus, comme si nous étions devenus des sociétés parallèles. L'absence des langues somali et afar dans le système éducatif aggrave encore la situation. Le somali, l'afar et l'arabe, autrefois sources de notre pluralité et de notre richesse, risquent de devenir notre handicap si nous continuons à pratiquer la politique de l'autruche.


Djiboutiennement vôtre !

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